Le sujet du refus

Luz ZAPATA /

Mardi 17 mars a commencé le confinement en France. J’ai entendu l’annonce avec incrédulité et gravité à la fois. Le lendemain, j’ai réalisé que je n’avais que jusqu’à midi pour organiser les jours à venir.

Comment être présente pour ceux qui sont en lien avec moi ? Après les questions pratiques et vitales, je me suis proposée de téléphoner les analysant.e.s et patient.e.s afin de leur dire que nous devions suspendre les séances au cabinet, et que nous pouvions convenir des séances par téléphone. Les réponses de chacun ont été différentes et, je dirais, en accord avec leur symptôme. Un des analysants souhaitait absolument maintenir les séances, malgré les consignes de confinement. Il a finit par accepter les séances par téléphone, ce qui lui a permis d’interroger d’emblée son refus des consignes de confinement, et ce que ce refus signifie pour lui, reprenant tout à fait ainsi le cours de son analyse. Quel est le sujet du refus ?

Cette situation m’a interrogée. Elle m’a fait affirmer de nouveau le dispositif de séance par téléphone, difficile à assumer pour certains, nécessaire pour d’autres. Dans tous les cas, il était important d’être là, même confinée, en position de permettre la poursuite du travail, avec les aménagements que cela demande.

Jusqu’à présent j’ai interrogée avec une certaine radicalité la pratique généralisée des cliniciens en ligne. La présence en chair et en os me semblait une condition sine qua non de l’analyse, notamment la présence du désir de l’analyste comme condition du transfert. Avec le confinement, me voilà contrainte d’accepter la mise en place de séances à distance car à défaut, c’est le travail analytique qui est en péril. Cela ne veut pas dire que je cautionne la pratique clinique à distance de façon perenne. Une situation d’exception n’est pas appelée devenir la règle.

Il y a quelques années j’aurais d’emblée refusé ce confinement, et tout ce qui pouvait venir de l’Autre. Je m’étonne encore aujourd’hui de constater les effets de l’analyse et de la supervision.

Accepter ou refuser une loi touche à quelque chose de profondément inconscient pour chacun. Cela dépasse la loi de la réalité pour venir indiquer notre rapport fantasmatique à la Loi.

Comme toute rencontre avec la limite, ce confinement fera émerger pour chacun son rapport à l’Autre, à la Loi, à l’angoisse, et les souffrances que ce confinement va produire, seront à interroger par rapport à ce que nous y ajoutons. Nous allons tous souffrir du confinement, mais de quoi d’autre encore ? l’analyse continue, c’est une nécessité…

Brest, le 21 mars 2020

Luz ZAPATA

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